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« J’ai Ă  peine saisi ta main que je redoute dĂ©jĂ  le jour oĂč elle lĂąchera la mienne » 
C’est une chose Ă  laquelle j’ai pensĂ© quelques jours aprĂšs la naissance de ma fille SĂ©lĂšne, qui Ă©tait endormie contre moi, sa main dans la mienne. J’étais Ă©prouvĂ©e, Ă  bout de forces, le moral au plus bas
 et pourtant j’aurais voulu que ce moment ne se termine jamais car je l’aimais dĂ©jĂ  de tout mon cƓur.
On est tous des ĂȘtres humains, pas des « super hĂ©ros », et parfois on semble au bord du gouffre, prĂȘt Ă  craquer. VoilĂ  l’état dans lequel j’étais il y a deux ou trois mois.
Ce n’est pas aisĂ© de le reconnaĂźtre, plus difficile encore d’en parler
 pourtant, je comprends maintenant qu’il n’y a aucune honte Ă  avoir. Que le « baby-blues » est un passage que traversent beaucoup de jeunes mamans, et que ça ne signifie pas pour autant que l’on n’aime pas notre enfant. Bien sĂ»r, il y a des femmes pour qui cela n’aura durĂ© que quelques heures, peut-ĂȘtre quelques jours
 moi ça a durĂ© des semaines. Mais il y a aussi des femmes qui ont une grossesse paisible, agrĂ©able, ce qui n’a pas Ă©tĂ© trop mon cas. Il y a des accouchements plus « faciles » que d’autres, et lĂ  encore, le mien n’a pas Ă©tĂ© des plus simples. Mais ça aurait pu ĂȘtre pire aussi, j’en ai conscience. La clĂ©, aprĂšs tout ça, c’est de savoir se laisser du temps
 chose qu’on a beaucoup de mal Ă  comprendre et Ă  mettre en pratique au bon moment, mĂȘme si tout le monde nous le rĂ©pĂšte !
En moins d’un an, je crois que je suis passĂ©e par tous les Ă©tats qu’il est possible de connaĂźtre, par toutes les Ă©motions que l’on peut ressentir. La joie d’apprendre ma grossesse et en mĂȘme temps, le mal-ĂȘtre des premiers mois
 La frayeur de perdre mon enfant en voyant mon corps lutter pour supporter tous ces bouleversements physiques et psychologiques
 L’émerveillement des Ă©chographies, des premiers coups dans mon ventre, et le souhait que les nausĂ©es cessent et me laissent profiter un peu plus de ces instants
 La hĂąte de voir ce visage tant attendu et la fatigue extrĂȘme de ce poids dans mon corps qui m’empĂȘche presque de vivre normalement
 et par-dessous tout ça, sans cesse, des questions, des doutes, des peurs, des espoirs

C’est une aventure incroyable de porter un enfant puis de lui donner la vie. On a beau l’imaginer, on ne le comprend qu’une fois qu’on l’a vĂ©cu
 et lĂ  encore, chaque grossesse, chaque naissance est unique. C’est ce qui rend ces choses aussi belles alors qu’elles sont si difficiles.
Il y a quelques mois, juste aprĂšs la naissance de SĂ©lĂšne, je voulais absolument oublier ces moments : la douleur, les contractions, les suites de l’accouchement, l’impression que ça ne finirait jamais
 Elle Ă©tait enfin nĂ©e et je souhaitais tout simplement me concentrer sur elle. Ne garder en mĂ©moire que cet instant oĂč je l’ai tenue dans mes bras pour la toute premiĂšre fois.
Mais le retour Ă  la maison n’est pas non plus le moment le plus simple. On est soudain « sans filet » et dans un sens, on se dit qu’on n’a pas le droit Ă  l’erreur. Parce que ce petit ĂȘtre dĂ©pend entiĂšrement de nous et que si l’on flanche, on le met en danger
 pourtant Ă  ce moment-lĂ  on ne rĂȘve que d’une chose : dormir !
Je crois qu’en rĂ©alitĂ© ce sont ces instants-lĂ  qui ont Ă©tĂ© les plus pĂ©nibles pour moi. Je pensais avoir atteint mes limites avec la grossesse et l’accouchement, mais j’en Ă©tais encore loin. J’ai dĂ» les repousser, les dĂ©passer, aller au-delĂ  de tout ce que je me croyais capable de supporter physiquement et donc mentalement. C’est Ă©trange de retrouver son corps d’avant quand on l’a partagĂ© pendant neuf mois, mĂȘme quand ça n’a pas Ă©tĂ© trĂšs agrĂ©able. On se sent vide et inutile, ce qui n’arrange en rien les humeurs extrĂȘmes causĂ©es par la chute d’hormones – alors qu’on est Ă  ce moment-lĂ  indispensable pour au moins une autre personne ! On passe du rire aux larmes sans mĂȘme comprendre ce qui nous arrive, et on pleure avec le sourire devant ce petit ĂȘtre si parfait qu’on a rĂ©ussi Ă  crĂ©er

C’est, je crois, l’épreuve la plus difficile que j’ai eu Ă  affronter dans ma vie jusqu’à maintenant. Et ça ne paraĂźt sans doute pas croyable, car l’arrivĂ©e d’un enfant est censĂ©e n’ĂȘtre que du bonheur
 C’est peut-ĂȘtre le cas pour certaines personnes, ça ne l’a pas Ă©tĂ© pour moi : le bonheur Ă©tait mĂȘlĂ© Ă  beaucoup d’autres Ă©motions. Je ne le cache pas, je n’en ai pas honte. J’ai fait du mieux que je le pouvais avec mes capacitĂ©s. Et si Ă  un moment je me suis dit que ça aussi, je l’oublierais, je sais Ă  prĂ©sent que je veux m’en rappeler toute ma vie. Ce que j’ai vĂ©cu, ce que j’ai ressenti, est unique et infiniment prĂ©cieux. C’est mon histoire. La mienne et le dĂ©but de la sienne, aussi.
La naissance de SĂ©lĂšne a Ă©tĂ© une Ă©tape-clĂ© dans mon existence, elle m’a fait grandir et Ă©voluer, voir les choses de façon diffĂ©rente. MĂȘme si ces instants ont Ă©tĂ© pĂ©nibles, je rĂ©alise maintenant que ça n’a apportĂ© que du positif. Et il me suffit de regarder ma fille pour me le rappeler. Son sourire, ses beaux yeux, ses jolies joues, ses petites mains, ses petits pieds

Bien sĂ»r, ça ne s’est pas arrangĂ© du jour au lendemain, ce n’est pas devenu tout rose. Il y a les bons et les mauvais jours. Il y a les moments oĂč je perds patience, et ceux oĂč je m’émerveille. Il y a les moments oĂč j’ai hĂąte que SĂ©lĂšne grandisse, qu’elle marche, et ceux oĂč je me retrouve Ă  regretter ces premiers jours oĂč elle Ă©tait si petite – et Ă  avoir la larme Ă  l’Ɠil devant les pyjamas taille naissance ! Il y a les moments oĂč j’ai hĂąte qu’elle soit endormie pour me reposer un peu mais oĂč je la garde dans mes bras parce que je ne peux pas m’arrĂȘter de la contempler

J’aimerais pouvoir la garder ainsi le plus longtemps possible, ma main posĂ©e sur elle pour sentir les battements de son cƓur, le rythme de sa respiration
 sa petite vie sous mes doigts, contre ma peau
 Mais un jour elle fera ses premier pas, et elle parlera ; un jour elle deviendra une enfant, une adolescente, une adulte ; un jour elle volera de ses propres ailes mais je ferai tout pour que ce lien si prĂ©cieux qui nous unit ne s’altĂšre jamais.
Heureusement, j’ai encore du temps devant moi. Des heures, des jours, des mois et des annĂ©es entiĂšres Ă  la voir grandir doucement et pourtant si vite. C’est pour cette raison que je sais qu’il faut profiter de chaque seconde.
VoilĂ , sans doute, l’ambivalence du fait de devenir parent. Je doute qu’il existe une seule personne au monde qui n’ait jamais ressenti ce dĂ©chirement entre joie et peine, entre Ă©merveillement et Ă©puisement aprĂšs l’arrivĂ©e d’un enfant dans sa vie.
Il y a six mois que SĂ©lĂšne est nĂ©e et je peux enfin parler de mon bonheur d’ĂȘtre maman. Cela m’était impossible il y a quelques semaines encore parce que je voyais en premier les choses les moins belles, les journĂ©es rythmĂ©es par les biberons, les couches et les lessives
 Maintenant tout ça est devenu mon quotidien et je le fais avec plaisir, je me rĂ©gale de lui prĂ©parer ses purĂ©es et de lui enfiler ses jolis vĂȘtements de petite fille. Je la vois tous les jours apprendre et progresser, Ă  son rythme ; je lui laisse le temps et je profite de ces moments parce que je sais qu’ils sont uniques dans une vie et je veux en garder le plus de souvenirs possible. Le soir, quand je vais me coucher, je m’arrĂȘte quelques instants Ă  la porte de sa chambre pour l’écouter respirer
 et Ă  chaque fois me vient le mĂȘme sourire.
Je ne croyais pas que ma vie serait bouleversĂ©e Ă  ce point. Je ne pensais pas que je pourrais ressentir toujours plus d’amour chaque jour. Il y a quelques annĂ©es, je ne voulais mĂȘme pas avoir d’enfant. Et rĂ©cemment, j’ai entendu dire : « Les enfants, tant qu’on n’en a pas, c’est difficile de s’imaginer sa vie avec eux puis quand on les a, on n’imagine plus la vie sans eux ». Il m’a fallu un peu de temps pour m’en rendre compte, mais aujourd’hui je sais que rien n’est plus vrai.

© OPHÉLIE PEMMARTY – TOUS DROITS RÉSERVÉS

 

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